Léopold Sédar Senghor (1906-2001) est une figure emblématique pour le Sénégal et la France. Il a été poète, écrivain, homme politique en France puis au Sénégal. Il a été un grand grammairien, le premier africain à intégrer la très prestigieuse Académie Française et il a développé avec Aimé Césaire, le mouvement politique et courant littéraire de la négritude. Amoureux de son Afrique natale, il a réussi à recréer son aura et sa noblesse à travers les techniques littéraires de ses poèmes et en particulier, à travers l’oralité, si chère à la culture africaine.
Pendant des générations et des générations, l’oralité était le seul vecteur de transmission du patrimoine culturel. Ceux qui sont chargés de cette transmission culturelle en Afrique sont les griots. Ils racontent de manière vivante des contes et des poèmes, parfois pleins de magie, aux nouvelles générations. Les griots sont invités aux grands événements familiaux et communiquent avec le public qui l’entoure. Cette interaction directe est fondamentale pour que l’héritage culturel se transmette efficacement d’une génération à l’autre. Les griots chantent leurs contes et histoires, ils dansent, ils miment et ils sont souvent accompagnés d’instruments de musique.
L’oralité a donné une dimension exotique et innovante à la littérature francophone. Elle est un véritable outil pour donner toute son ampleur aux mots utilisés par ses auteurs. C’est la rencontre de deux mondes : le monde de l’oral qui transmet de manière sonore des mémoires et le monde de l’écrit classique. L’oralité a apporté un nouveau souffle à la littérature de langue française et elle lui a ouvert de nouveaux horizons. Elle est omniprésente dans Ethiopiques, recueil de poèmes de l’ouvrage Œuvre Poétique, publié quatre ans avant l’indépendance du Sénégal, pays où Léopold Sédar Senghor deviendra le premier Président de la République en 1960.
Son œuvre poétique développe un style particulier qui s’inscrit dans le courant littéraire de la négritude.
Si vous lisez un des poèmes de ce recueil, vous verrez que Senghor fait toujours précéder ses textes d’une indication sur les instruments qui accompagnent le narrateur.
Le tam-tam est un des instruments de prédilection mais d’autres instruments comme les kôras, les balafongs, les tabales sont utilisés pour accompagner les poèmes Congo et L’Homme et la Bête, par exemple.
Des instruments de musique plus classiques comme la flûte, l’orgue ou d’autres instruments issus du jazz peuvent aussi accompagner des poèmes qui traitent davantage de la culture occidentale. Un orchestre de jazz et un solo de trompette sont notamment impliqués dans le poème intitulé A New York.
Le jazz est un courant musical crée par les Noirs du sud des États-Unis. Ainsi, Senghor rassemble tous ses « Frères » noirs du monde entier. Les instruments dépendent du thème et de l’impression que l’auteur veut mettre en valeur. Sans instrument, les poèmes perdent une partie de leur sens et de leur âme.
Senghor a affirmé qu’il était d’abord inspiré par un rythme. Il écrivait ses poèmes de manière instinctive. Il attachait beaucoup d’importance aux sonorités. Il comparait ses poèmes à une partition de jazz où tous les paramètres sont essentiels. Il faut chanter le poème. Ce dernier fait vivre la culture africaine et rend sa dignité à la population Noire, trop souvent traitée injustement ou comme des citoyens de seconde zone à cause de l’esclavage et de la colonisation.
Le style est direct. Le « je » est présent pour montrer l’engagement du narrateur dans son combat. Senghor utilise un procédé de nomination. Il joue avec les connotations du lecteur et donne ainsi une plus grande puissance au vocabulaire qu’il utilise.
La présence de répétitions, de parallélismes, de refrains montre l’aspect incantatoire et mystique de ses poèmes.
Il mélange les cultures et le vocabulaire d’origine étrangère pour créer un métissage culturel dans le but de montrer au monde qu’il n’y a pas de culture supérieure et que la culture Africaine est tout aussi importante que la culture gréco-latine et occidentale. Il appelle au respect de toutes les races.
Senghor utilise la langue française comme une arme pour redonner ses lettres de noblesse aux cultures indigènes et aux populations locales des territoires colonisés. Son objectif était de convaincre que toutes les cultures et toutes les races du monde sont égales. La langue française lui permet de se faire entendre plus universellement.
L’oralité donne de la couleur, de la vie, du rythme et un métissage culturel sans précédent à la littérature francophone. Ses poèmes doivent être lus comme des partitions.
L’oralité donne de l’intensité au message de Léopold Sédar Senghor qui exprime son souhait de vivre dans un monde meilleur, plus égalitaire, dans le respect de tous les êtres humains, peu importe leur race.