Quand on pense à la bande dessinée, on pense souvent à de la fiction mais depuis les années 90, la BD reportage prend une place de plus en plus importante. On pourrait se demander dans quelle mesure ce genre peut avoir un impact sur la société.
Qu’est-ce que la BD reportage?
La BD reportage est aussi appelée BD documentaire. Certains illustrateurs se donnent la mission de faire des investigations sur le terrain pour reporter ce qui se passe dans le monde. Ils dénoncent des causes qui leur tiennent à coeur pour sensibiliser l’opinion publique. Ils veulent que leur art ait un impact. Ils font de la bande dessinée engagée.
Comment la BD reportage a-elle évolué?
La BD reportage a fait son apparition aux Etats-Unis dans les années 40. Ce genre de BD est appelé “graphic journalism” en anglais. Au début, la BD documentaire avait la forme de “comic strip” dans les journaux, puis des albums entiers y ont été consacrés. Dans les années 50, Jacqueline Duhême, une française a innové en faisant des reportages sous forme de dessins. Elle a notamment illustré De Gaulle en Amérique du Sud.
Le dessinateur qui a ravivé le genre de la BD documentaire s’appelle Joe Sacco. Il est américano-maltais. Pendant les années 1990, il a illustré le conflit palestinien puis le conflit en Bosnie. Intrigué par ces conflits et questionnant ce qui était reporté par les médias, il a décidé de se rendre dans les pays concernés pour illustrer ce qu’il observait comme un reporter l’aurait fait avec des photographies ou des vidéos. Il a fait des investigations sur place et a donné son propre décryptage de ces conflits via ses illustrations. Il a sorti plusieurs albums sur le conflit israelo-palestinien: Palestine: une nation occupée, vertige Graphic, 1996; Palestine: dans la bande de Gaza, Vertige Graphic. Il est également l’auteur de Soba: une histoire de Bosnie, sorti en 2000 chez Rackham.
D’autres illustrateurs ont été sur le terrain pour reporter leurs expériences.
Guy Delisle, auteur de bandes dessinées quebecois, a illustré ses expériences en tant qu’expatrié.
Il est notamment l’auteur de Chroniques birmanes, Delcourt, collection Shampooing, 2007 et de Chroniques de Jérusalem, Delcourt, collection Shampooing, 2011. Il est l’auteur d’autres BD autobiographiques et humoristique.
Etienne Daveaudo est un auteur de bande dessinée français. Il a écrit pour dénoncer des drames sociaux. Ses grands succès sont Un homme est mort, éditions Futuropolis, 2006, scénario en collaboration avec Kris et Les Ignorants : récit d’une initiation croisée, Paris, éditions Futuropolis, 2011. Il illustre la vie de personnages victimes de la société à des moments variés de l’histoire.
Philippe Squarzoni est un illustrateur d’origine lyonnaise qui, en plus d’autres oeuvres, a été l’auteur, en 2012, d’une BD sur le réchauffement climatique. Il a fait des investigations pendant 6 ans pour pouvoir produire une oeuvre extrêmement réaliste: Saison Brune. Les dessins ont parfois été produits à partir d’arrêts sur image d’entretiens filmés par ses soins. Sa BD contient des courbes, des schémas, des chiffres, de vraies photos. Il utilise le “je” et assume sa subjectivité narrative. C’est sa manière de transmettre son opinion et de politiser son oeuvre. En 2012, il a reçu le prix Léon de Rosen par l’Académie française.
En 2017, Radio Canada Estrie a créé une BD documentaire numérique sur la vie de Raif Badawi, blogueur activiste, emprisonné en Arabie Saoudite. Le but de cette initiative était de sensibiliser davantage l’opinion publique. L’Estrie a fait des investigations très poussées sur sa vie et étape par étape, des scènes réelles de son existence ont été reproduites. Tous les dessins ont été faits dans le souci du détail. Il fallait absolument représenter la réalité pour être crédible et convaincre.
Quelles sont les caractéristiques de la BD reportage?
Illustrer la réalité dans ses détails est la préoccupation première des illustrateurs de BD documentaire. Ils n’ont pas d’appareil photo mais leurs dessins sont aussi précis que des photographies de grande qualité.
La BD documentaire est un genre engagé. Elle permet de militer. L’illustrateur donne ouvertement son opinion sur des faits d’actualité, ou des faits sociaux. La BD, encore plus que la photographie, peut montrer une scène dans son ensemble, via ses dessins mais aussi ses mots. L’illustrateur nous transmet ses émotions via son art. La BD documentaire commente le réel de manière pertinente.
Récemment, le genre de la BD documentaire a inclut des ouvrages moins militants et davantage basés sur l’humour.
De nombreux thèmes sont traités et sont vulgarisés: les fake news, le 11 septembre 2001 et ses conséquences, le coronavirus, le racisme, l’environnement, les conditions de vie de certaines couches de la population…
La BD documentaire a le pouvoir de toucher d’autres segments de la population. Ceux qui ne lisent pas forcément les journaux ou les romans. Elle permet de mieux comprendre certains enjeux de la société.Elle peut faire pression. Elle permet de prendre conscience de nombreuses injustices. Grâce à la BD reportage, le 9ème art est au service d’un monde meilleur en dénonçant ses atrocités.